Un peu d'histoire : Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne)
La ville de Montereau-Fault-Yonne est située à l’endroit où l’Yonne tombe (fault) et se perd dans la Seine. Cette ville doit son origine à un petit monastère dont la chapelle était dédiée à saint Martin. On la trouve quelquefois sous le nom de Mont-Réau ou Montreau (Mont-Royal, Mons Regalis).
En 1026, Raynard, comte de Sens, construisit, sur la pointe formée par la Seine et l’Yonne, un château pour rançonner les marchands qui descendaient ces deux rivières. Ainsi fut établie la seigneurie de Montereau. Au treizième siècle, Thibaut, comte de Champagne, s’étant révolté contre saint Louis, le roi de France punit son vassal en le forçant à lui céder Bray-sur-Seine et Montereau, qu’il réunit à son domaine.
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La mort tragique de Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, attache à Montereau une sanglante célébrité. C’est là que les conseillers du Dauphin, qui fut depuis Charles VII, attirèrent le duc sous prétexte de parlementer, et l’assassinèrent lâchement. Cette odieuse exécution était une triste représaille du meurtre de Louis d’Orléans, assassiné quelque temps auparavant par les ordres du duc de Bourgogne.
« Monseigneur le Dauphin, dit un chroniqueur, fist faire en dehors et près du chastel certaines lices et parlouers de boys, à l’entrée desquelles avoit un pont leveys avec portes bien fermans, et puis au dedens estoit figure de triangle en façon oblique et estrange... Au dedens des lices estoit Tenneguy du Chastel, Françoys de Grignot, le vicomte de Narbonne, et Présiotier, seigneur de Prully, chevaliers, qui avoient promis au duc de le conduire seurement, et à l’entrée lui faisoient grande révérence et usoyent de langaige très doulx et amiable. Mais quant fut le pont levé et qu’il ne povoit reculer, lui parlèrent rigoreusement, en disant : « Sire, venez à Monseigneur, lequel vous avez trop longtemps tardé de visiter. »
« Adonc le duc fist référence, ainsi qu’il appartenoit à monseigneur le Daulphin, lequel incontinent lui commença à parler rigoreusement, en l’arguant de sa longue demeure, et que, à son occasion, les Anglois estoient présentement entrés au royaume du quel il avoit mal governé la police. Adonc se cuida le duc excuser ; mais ses excusations ne furent point admises, pour quoy il demanda congié à monseigneur le Daulphin de s’en aler, lequel il lui donna. Mais premièrement qu’il fust à la porte pour s’en yssir des lices, lesdits chevaliers eurent argu et débat avec le duc, tellement qu’ils frappèrent sur luy et le misdrent à mort, aussi ledit seigneur de Noailles, qui seul accompagnoit le duc, et se cuida mettre au devant de luy pour le défendre. »
Le corps du duc fut d’abord enseveli dans l’église de Notre-Dame, « avec ses bottes et son pourpoint, ayant sa barrette tirée sur le visage. » Il fut ensuite transporté au monastère des Chartreux de Dijon, où son fils, Philippe le Bon, lui fit ériger une magnifique sépulture. Ce tombeau se voit aujourd’hui dans le Musée de cette ville. L’année suivante, Philippe le Bon, pour venger la mort de son père, appela les Anglais sur notre territoire, et, de concert avec eux, assiégea Montereau et s’en empara. En 1438, le Dauphin, devenu roi de France, mit à son tour le siège devant cette ville, qui était encore au pouvoir de l’ennemi. La victoire couronna ses efforts, et Montereau rentra sous son obéissance.
On voit, suspendue à la voûte de l’église de Montereau, une épée de bois imitée de celle que portait Jean Sans Peur le jour où il fut assassiné. En 1521, François Ier, passant par Dijon, voulut considérer les dépouilles de ce prince, et se fit ouvrir son tombeau. A la vue de l’entaille que présentait le crâne du squelette, il s’étonna que l’arme dont s’était servi le meurtrier eût pu faire une aussi large ouverture : « Sire, lui dit le chartreux qui le conduisait, c’est le trou par lequel les Anglais sont entrés en France. » On faisait encore remarquer, au dix-huitième siècle, sur le pont de la ville, un pavé qui portait, disait-on, les traces du sang de Jean Sans Peur. Vers 1750, ce pont, tombant en ruines, fut entièrement reconstruit.
Deux fois saccagé pendant les troubles de la Ligue, Montereau devint, en 1814, le théâtre d’une des belles victoires remportées par Napoléon dans son admirable campagne de Champagne...